Afflux de capitaux vers les pays émergents
Selon la « loi des rendements décroissants » les capitaux auraient dû affluer beaucoup plus vite vers les pays émergents
Pendant longtemps les théories économiques classiques reposaient sur une sacro-sainte « loi des rendements décroissants ». Cette loi repose sur une idée intuitive : plus les montants investis dans une économie (un pays, une entreprise) deviennent volumineux, plus les frottements deviennent nombreux et brûlent une partie du carburant monétaire injecté : en amont de la production les moyens de production sont engorgés et en aval les canaux de distribution deviennent saturés. Les pertes en ligne générés par ces frottements aboutissent à une perte en productivité : le million investi en situation sans frottement permet de produire beaucoup plus que le million investi dans une phase plus mature mais aussi plus saturée de l’économie.
En 1990, Robert Lucas (prix Nobel d’Economie 1995), expliquait dans un article intitulé « Pourquoi le capital n’afflue-t-il pas des pays riches vers les pays pauvres ? » [1], que les modèles économiques classiques prévoyaient un rendement du capital dans les pays émergents beaucoup plus important que dans les économies occidentales. En Inde, par exemple ce taux de rendement théorique du capital était de 58 fois plus élevé que celui des Etats-Unis !
Il est clair que si un tel différentiel avait été réel, le vingtième siècle aurait été le témoin d’un déplacement massif des capitaux des pays riches (saturés) vers les pays pauvres (en expansion) ! Cela n’a pas été le cas – pourquoi ?
Il est clair que si un tel différentiel avait été réel, le vingtième siècle aurait été le témoin d’un déplacement massif des capitaux des pays riches (saturés) vers les pays pauvres (en expansion) ! Cela n’a pas été le cas – pourquoi ?
Le facteur principal d’attirance du capital est « l’accumulation du savoir-faire» - actif intangible de l’économie mondialisée
Il existe certes de nombreuses raisons politiques et géopolitiques mais ces facteurs ne suffisent apparemment pas à compenser les différentiels théoriques évoqués ci-dessus. Comme l’explique Robert Lucas, à partir des années 60 les économistes ont introduit un nouveau facteur essentiel pour expliquer les mouvements de capitaux : le facteur d’accumulation de savoir-faire. Ce savoir-faire s’entend au sens de la connaissance, de la technologie, des inventions, des procédés ou processus conduisant à la production de biens ou services à forts débouchés dans une économie marchande mondialisée. La prise en compte de ce facteur permet de pratiquement annulé les différentiels de rendements théoriques.
Le cercle vertueux de l’investissement dans l’éducation est la clé de la croissance
L’Inde et l’Asie depuis près de 15 ans et les pays du Golfe depuis une dizaine d’années investissent massivement dans l’accumulation de savoir-faire dans leurs propres pays mais également dans d’autres pays émergents, en particulier la zone appelée MENA (Middle-East North Africa). L’accumulation de réserves financières importantes dans ces pays et leur mobilisation dans des actifs intangibles pourrait doter nombre des pays émergents de taux de rendement du capital, ajustés des risques spécifiques pays, supérieurs à ceux proposés dans les économies « matures ».
L’Inde et l’Asie depuis près de 15 ans et les pays du Golfe depuis une dizaine d’années investissent massivement dans l’accumulation de savoir-faire dans leurs propres pays mais également dans d’autres pays émergents, en particulier la zone appelée MENA (Middle-East North Africa). L’accumulation de réserves financières importantes dans ces pays et leur mobilisation dans des actifs intangibles pourrait doter nombre des pays émergents de taux de rendement du capital, ajustés des risques spécifiques pays, supérieurs à ceux proposés dans les économies « matures ».
Ce n’est qu’en lançant de grands programmes d’investissement dans l’immatériel (éducation, recherche, apprentissage) et en stimulant sa démographie par des politiques d’accueil et de collaboration avec les pays du Sud que l’Europe peut prétendre rester dans la compétition et enrayer son ralentissement économique.
[1] Lucas, R (1990), « Why doesn’t capital flow from rich countries to poor countries? », American Economic Review, Vol. 80, No. 2 (May), pages 92-96.
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