Décision Robuste et Diplomatie
Hubert Védrine, Rapport sur la France et la Mondialisation, Paris, Fayard, 2007.
Sept ans après la publication de ce rapport commandé par le
Président Sarkozy, les situations en Russie, au Mali, en Libye, en Irak, en
Syrie... confèrent aux mots du diplomate
une nouvelle dimension: une forme d'urgence à la fois réaliste, humble et
ambitieuse.
Autant, pour retrouver confiance en elle dans la
mondialisation, la France a besoin d'un sursaut psychologique, d'une révolution
mentale et d'un rejet du défaitisme, appuyée sur des initiatives politiques
fortes et des politiques innovantes, autant, en politique étrangère et en
défense, la France, ne doit surtout pas baisser les bras.
Mais que doit-elle changer?
Hubert Védrine propose de "changer de ton", se
défaire d'un peu de notre arrogance vis à vis de nos partenaires étrangers sans
pour autant "raser les murs". Nous devons notamment contribuer
concrètement à renforcer sur le terrain les droits de l'homme avec réalisme :
Nous ne disposons pas d'une formule magique qui nous
permettrait d'obtenir que les droits de l'homme soient respectés en Chine, en
Russie, dans le monde arabe, en Afrique, etc. et que nous ne cesserons pas
d'acheter du gaz aux Russes, du pétrole aux Saoudiens et de vendre nos
#technologies aux Chinois? D'avantage de modestie serait plus conforme à la
réalité et n'affaiblirait en rien, par ailleurs, nos efforts concrets pour les
droits de l'homme.
[...] Il nous reste une révolution à accomplir dans nos
mots, nos attitudes, notre ton, les modalités de nos annonces, nos
"initiatives". [...] Entre l'excès de prétention et l'excès de sous
estimation de soi, nous sommes passés par des extrêmes qui nous handicapent. Il
est temps de trouver l'équilibre.
Dans le paysage des relations internationales, de nouveaux
acteurs, comme de puissantes entreprises globalisées et une myriade d'ONG,
développent des capacités d'influence: les États n'ont plus le monopole certes.
Mais ils conservent une responsabilité spécifique que
personne d'autre n'exerce. A trop répéter qu'un État, un pays, seul, ne peut
plus rien, on était venu à déresponsabiliser les gouvernements et à décourager
les citoyens alors que le multiralisme suppose pour être efficace, la
coopération et l'engagement d'Etats forts au sein d'un cadre commun.[...]
L'Etat moderne doit avoir une vue d'ensemble de ces phénomènes, et créer en
chef d'orchestre une synergie de toutes nos actions et interventions conformes
à ses idées et à ses intérêts. Il doit animer mais pas décider seul.
En employant le vocabulaire de l'analyse et la commande des
systèmes, il s'agit ici pour les États, et en particulier pour la France (à une
échelle européenne et/ou atlantiste) de mutualiser et coordonner des moyens
d'observation, d'analyse et d'intervention multi-facteurs (culturels,
économiques, juridiques, militaires...) sur des horizons temporels allant du
court terme (tactique) au long terme (stratégique). Ce faisant, une telle coalition créé les conditions d'anticipation, de réponses progressives
efficaces, d'adaptation et de résilience à des chocs adverses dont l'existence
est prise en compte mais la réalisation non prédictible (et même non
probabilisable!). Bref, cette coalition créé un mécanisme de prise de décision
et d'action robuste.
La transposition de la discipline "commande robuste"
vers la "prise de décision robuste" en géopolitique et stratégie internationale est un cadre d'analyse et d'action développé par la RAND corporation depuis la fin des années 1990: c'est ce que le think-tank américain désigne par Robust Decision Making.
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