De la guerre - Clausewitz

Eugène Delacroix - Combat de chevaliers dans la campagne 
1824
Morceaux choisis de: Carl Von Clausewitz. De la guerre, traduction de Nicolas Waquet, collection Petite Bibliothèque, édition Rivages poche, 2014. Edition pour les prépas scientifiques.(ISBN 978-2-7436-1516-1)

Ce qui permet de se défendre: forces armées, territoire, volonté
"Interrogeons-nous d'abord sur l'objectif que doit viser la guerre toute entière pour être le moyen approprié à la fin politique. Nous découvrirons alors que cet objectif est tout aussi variable que la fin politique et les circonstances propres de la guerre.
Si, pour commencer, nous nous tenons à nouveau au pur concept de la guerre, il nous faut dire alors que la fin politique de celle-ci se situe en fait à l'extérieur de son domaine. Car si la guerre est un acte de violence engagé pour contraindre l'adversaire à se soumettre à notre volonté, elle devrait donc toujours et uniquement aboutir à défaire l'adversaire, c'est-à-dire à le rendre incapable de se défendre. C'est cette fin, qui découle du concept mais dont se rapprochent étroitement une multitude de cas dans la réalité, que nous allons d'abord examiner à la lumière de cette réalité.
Nous verrons plus précisément par la suite, lorsque nous traiterons du plan de guerre ce que signifie ôter à un Etat tout moyen de se défendre. Mais nous devons dès maintenant distinguer trois choses, trois objets généraux qui renferment en eux-mêmes tout le reste: les forces armées, le territoire et la volonté de l'ennemi.
Les forces armées doivent être détruites, c'est-à-dire placées dans une position telle qu'elles ne peuvent plus poursuivre le combat. Notons à cette occasion que l'expression "destruction des forces armées ennemies" ne sera entendue par la suite qu'en ce sens.
Le territoire doit être conquis, car de nouvelles forces armées pourraient s'y former.
Mais ces deux choses faites, la guerre -- c'est-à-dire la tension et l'action ennemies des forces hostiles -- n'est pas achevée si la volonté de l'ennemi n'est pas également son gouvernement et ses alliés ne sont pas contraints à signer la paix ou le peuple forcé à se soumettre." [...]

Du concept à la réalité
"La raison pour laquelle l'objectif de la guerre, déduit de son propre concept, ne convient généralement pas à la guerre réelle réside dans la différence entre les deux, différence que nous avons analysée dans le chapitre précédent. Si la guerre était ce que veut son pur concept, un conflit entre deux Etats de forces notablement inégales apparaîtrait alors comme une absurdité, et serait donc impossible. L'inégalité des forces physiques poussées a son degré suprême devrait pouvoir être équilibrée par les forces morales, ce qui dans la situation sociale actuelle de l'Europe n'irait pas très loin. Si nous constatons donc qu'il eut des guerres entre des Etats de puissance très inégale, c'est parce que la guerre dans la réalité est souvent très éloignée de son concept originel
Deux choses dans la réalité peuvent remplacer l'incapacité de résister plus avant et devenir des motifs de paix. La première est l'improbabilité du succès, la seconde son prix trop élevé."

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