Causalité en économie

Texte fondamental : Edmond Malinvaud. Voies de la recherche macroéconomique, Odile Jacob, 1991, ISBN 2738101135 [Fin du Chapitre 10 - La validation des hypothèses] 

Les hypothèses, les lois et les théories économiques, se formulent souvent en termes de causalité ; elles peuvent même comporter la spécification d’un mécanisme censé garantir la nécessité des relations de cause à effet. Elles permettent alors l’énoncé immédiat de propositions prescriptives : si l’on veut obtenir tel résultat, il convient d’intervenir de telle façon sur telle grandeur jouant le rôle de cause. Cet aspect causal doit-il être soumis à validation ? Comment peut-il l’être ? […]
L’usage de l’idée de causalité dans les sciences, surtout en physique, a été fort débattu et même, à une certaine époque, regardé avec tant de suspicion que certains en ont quasiment interdit l’usage. Mais c’est une idée difficile à éliminer, surtout pour ceux qui appliquent les résultats scientifiques à des problèmes concrets. Plutôt que de chercher à s’en passer à tout prix, il convient de bien comprendre sa signification et donc d’y avoir recours à bon escient et sans s’illusionner. Découvrir l’origine des choses, peut-être en connaitre parfaitement les racines les plus immédiates, reste inaccessible à la raison et à l’expérience humaines. Mais le terme de causalité ne doit pas être entendu comme désignant directement une propriété des relations entre les choses. Il donne un caractère particulier aux énoncés d’une théorie et indique de quelle façon ces énoncés peuvent être convertis en règle d’action : la théorie énonce que telle intervention entrainera tel résultat.  La causalité figure donc parmi les hypothèses de la théorie.  Comme les autres hypothèses, elle peut être plus ou moins réaliste, c’est-à-dire plus ou moins adéquate aux phénomènes traités par la théorie. La question de sa validité se pose alors naturellement.
On peut distinguer deux types de théories. Les unes, purement descriptives, établissent des concordances. Les autres, explicatives, spécifient plus ou moins complètement des causalités. En ce sens la loi explicative de Newton se distinguent des lois descriptives de Kepler sur le mouvement des planètes. Les besoins de la macroéconomie exigent le plus souvent le point de vue explicatif.
                Recourir à la notion de causalité constitue ainsi un procédé efficace pour exprimer les intentions opérationnelles d’une théorie. Le modèle formalisant cette théorie doit alors être explicite sur les causalités qu’elle stipule. Ainsi une équation telle que :
F(y,z) = 0
peut être vue de trois façons différentes et non équivalentes : z détermine y dont la valeur est la solution, supposée ici unique, de l’équation ; ou y détermine z conformément à l’équation ; ou encore l’équation déterminer une relation de cohérence, sans signification causale.
                Une théorie spécifiant une causalité admet un certain degré de déterminisme, qui peut d’ailleurs être faible si la théorie admet l’existence d’aléas, les liaisons étant alors probabilistes. Mais accepter une telle théorie n’implique en rien l’adhésion métaphysique au déterminisme des phénomènes. C’est dans notre représentation des phénomènes que nous trouvons adéquat de faire figurer certains déterminismes, aussi longtemps que ceux-ci résistent à la falsification.
                Les causalités tiennent une place particulièrement importante en macroéconomie. Dès le début de notre réflexion nous avons vu que l’objet direct ou indirect de cette discipline était de déterminer les effets des modifications de l’environnement économique ou les effets d’actions particulières, par exemple celle des pouvoirs publics.
                De même, la structure des modèles macroéconomiques est fondée entre variables endogènes, dont la théorie établit le mode  de détermination, et variables exogènes représentant des grandeurs supposées être déterminées par ailleurs. La théorie stipule ainsi une causalité générale, l’ensemble des variables exogènes jouant le rôle de cause.
                Mais elle peut aussi introduire des causalités internes, liant certaines variables endogènes à d’autres variables endogènes. C’est pourquoi son exposé fait souvent intervenir un schéma fléché qui représente les différentes liaisons causales par des flèches allant d’une variable cause à une variable effet. […]

Comme nous aurons l’occasion de le voir plus précisément dans le chapitre 13, les économètres ont tendance à ramener le test de causalité de z sur y à celui d’une antériorité temporelle des variations de z par rapport à celles de y. On devrait dire qu’ils testent alors une présomption de causalité. De fait pour le suggérer on parle habituellement de « causalité de Granger ». 

Causalité et modèles explicatifs en finance


Nous pouvons ici nous interroger sur la durabilité du pouvoir explicatif de modèles de risque qui ne s’appuieraient pas sur des facteurs de risque exogènes. Ces facteurs « authentiquement exogènes » sont des facteurs pour lesquels il n’existe pas de supports d’investissement (ou de réplication exacte) directs ou sur lesquels la finance ne peut pas avoir d’effet rétroactif rapide (par exemple la démographie, le niveau d’éducation ou de santé d’une population donnée); à ce titre les prix des matières premières ne constituent probablement plus un facteur exogène source d’explication fiable et durable de l’état de l’économie : d’une part, ce facteur « inflation matières premières » est devenu un support d’investissement direct à travers les produits dérivés (futures) ou les trackers (ETFs) et d’autre part ces marchés sont de « petits marchés », avec peu de volumes et donc un impact marché important des gros acteurs sur les variations des prix de ces matières premières. Le facteur en question peut servir à expliquer des causalités internes mais ne pourra probablement plus servir de sentinelle de détection d’un changement de régime.

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