Petits bateaux bancaires dans la tourmente



Les fonds d'investissement exposés à la crise du crédit hypothécaire à risque, comme par exemple une certaine gamme de produits monétaires dynamiques (ou encore fonds de trésorerie dynamique), pourraient ne pas être les seules embarcations à avoir souffert dans la tempête. Une autre catégorie de fonds pourtant très "glamours" ont été et continuent d’être chahutés dans la tourmente: certains fonds dits quantitatifs équipés de techniques mathématiques pour guider leurs décisions d’investissement. Depuis le début du XXième siècle, les mathématiques exercent ce pouvoir d'attraction sur les gérants de fonds. Déjà en 1936, l'économiste John Maynard Keynes avertissait la communauté financière : "une trop grande proportion des modèles "mathématiques" récents appliqués à l'économie ne sont que de simples concoctions, aussi imprécises que les hypothèses initiales sur lesquelles elles reposent, elles conduisent leurs auteurs à perdre de vue les complexités et interdépendances du monde réel dans un amas de symboles prétentieux et inutiles" (in The General Theory of Employment, Interest, and Money, Chap. 21).

Les fortes baisses de valorisation connues pendant l'été par ces fonds (parfois des multiples importants des baisses du marché des actions pour les fonds pratiquant l'effet de levier ou la vente à découvert) ont provoqué de fortes déceptions chez les investisseurs.

Faut-il pour autant renoncer à équiper les embarcations financières de technologies quantitatives de pointe? Disposer de radars ou GPS modernes de la finance semble naturel pour naviguer dans une météo changeante et des fonds marins irréguliers. En revanche les marins qui sortent actuellement leur épingle du jeu sont ceux qui ont su faire la différence entre le risque et l'incertitude : dans des travaux pionniers (Risk, Uncertainty and Profit, 1921), l'économiste Frank Knight introduisait déjà cette distinction essentielle et présentait le risque comme la composante mesurable (calculable) de l'incertitude. La véritable incertitude n'est donc pas observable et une conduite aux instruments dans ces périodes chahutées devient insuffisante; l'expérience et l'intuition du marin qui s'appuie sur ses instruments mais qui sait aussi écouter les éléments naturels, comme l'inquiétude et parfois l’exubérance des marchés, font la différence. Le marin avisé doit savoir renforcer structurellement son embarcation. Les semaines à venir pourraient en fournir de nouvelles illustrations.

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